Le 3 juillet 2025, onze prisonniers politiques russes ont envoyé une lettre ouverte aux dirigeants mondiaux via Reuters.

Les auteurs de la lettre demandent que soient créées les conditions de la libération de toutes les personnes persécutées en Russie pour des raisons politiques. Voici une traduction en français de cet important message.

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Lettre ouverte des dissidents russes emprisonnés aux dirigeants mondiaux

Nous, prisonniers politiques russes, lançons un appel à tous les dirigeants internationaux qui se soucient de la souffrance des personnes en raison de leurs croyances.

Nous sommes au moins 10 000, prisonniers politiques russes et otages civils ukrainiens. Nous sommes tous punis pour une chose : avoir pris une position civique. Les concepts de justice et d’équité sont absents de la Russie d’aujourd’hui ; quiconque ose penser de manière critique peut se retrouver derrière les barreaux.

La législation répressive visant à éliminer toute dissidence a été constamment renforcée depuis 2012. De 2018 à 2022, au moins 50 lois répressives ont été adoptées, et depuis le 24 février 2022, plus de 60 autres.

Il n’y a pas d’acquittement dans les affaires à motivation politique en Russie. La cruauté des peines s’accroît ; personne n’est surpris par les peines de prison de 10, 15 et 20 ans. La Douma d’État (parlement) réclame régulièrement le rétablissement de la peine de mort.

Les chances d’un traitement équitable de ces affaires par les tribunaux russes étaient faibles auparavant, mais elles ont finalement disparu après que la Russie a refusé de se conformer aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en 2022.

Dans la Russie moderne, les institutions de défense des droits de l’homme ont été complètement remplacées par des organismes qui se contentent d’imiter les activités de défense des droits de l’homme. En conséquence, la santé et la vie des prisonniers sont menacées, la torture et les pressions exercées à leur encontre ne font le plus souvent l’objet d’aucune enquête et ne sont pas sanctionnées. Les prisonniers politiques sont, plus souvent que les autres, détenus dans des conditions plus difficiles et privés de la possibilité de bénéficier d’une libération conditionnelle et d’un assouplissement légal du régime de détention. La pratique consistant à engager des poursuites pénales supplémentaires sur la base de dénonciations par d’autres condamnés est devenue courante.

Mais malgré tout cela, nous n’avons pas perdu notre voix, nous n’avons pas sombré dans l’oubli. Nous avons maintenu notre position civique, qu’il nous semble important d’affirmer :

* Nous appelons les deux parties aux négociations entre la Russie et l’Ukraine à procéder immédiatement à un échange de prisonniers de guerre et de civils selon la formule « tous pour tous », y compris les otages civils ukrainiens.

* Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers politiques malades qui meurent dans les prisons russes.

* Nous comptons sur les hommes politiques de différents pays pour créer les conditions de la libération de toutes les personnes persécutées en Russie pour des raisons politiques.

* Nous demandons instamment aux médias des différents pays de ne pas rester silencieux et de couvrir les activités des citoyens russes qui continuent à risquer leur vie dans la lutte pour la liberté et la démocratie.

* Nous demandons aux hommes politiques des pays démocratiques de soutenir la lutte des Russes et d’adopter des résolutions au nom des parlements, des associations politiques et des partis.

Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons rapprocher l’heure de la liberté et de la paix.

Alexei Gorinov, Anna Arkhipova, Vladimir Domnin, Boris Kagarlitsky, Darya Kozyreva, Dmitry Pchelintsev, Andrei Trofimov, Ilya Shakursky, Alexander Shestun, Artem Kamardin, Azat Miftakhov

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