L’opposition démocratique russe à l’étranger est profondément divisée, et cette fracture semble insurmontable.
Cela a un effet très négatif sur l’état d’esprit des Russes. La division de l’opposition prive ceux qui condamnent la guerre et la répression de tout espoir de changement réel. L’unité des forces démocratiques n’est pas une simple abstraction, mais une nécessité urgente. Sans elle, il est impossible de lutter efficacement contre l’autoritarisme. Pour la partie neutre ou hésitante de la société russe, il est difficile de percevoir l’opposition comme une alternative politique et morale crédible au poutinisme lorsqu’elle semble éclatée, remplie de querelles internes, plutôt qu’unie autour d’objectifs clairs et partagés.
L’unification de l’opposition ne signifie pas la création d’un parti démocratique unique ou d’une structure centralisée sous un seul leader. Cela serait impossible dans les conditions actuelles, et personne ne le demande. Ce dont nous parlons, c’est de mener des actions coordonnées dans les moments critiques et de collaborer normalement sur les principaux axes de travail politique et en matière de droits humains.

Les sceptiques diront que les divergences entre les groupes d’opposition sont trop profondes pour être résolues. Mais en réalité, ces divergences sont souvent de nature personnelle ou liées à une concurrence banale pour l’influence. Ces conflits concernent principalement les leaders et leurs équipes, et c’est cela qui alimente l’image de division générale. Cependant, au niveau des organisations locales et des participants ordinaires du mouvement anti-guerre, la coopération et la communication se passent généralement sans problème.
Face à la mort quotidienne et aux mutilations de centaines de personnes, y compris des enfants, les conflits qui divisent l’opposition apparaissent insignifiants. Si nous voulons sincèrement arrêter la guerre et réduire le nombre de victimes, nous devons chercher des moyens de consolidation.
La libération des prisonniers politiques suite à des échanges a créé un moment unique pour l’unification. L’apparition de nouvelles figures sur la scène de l’opposition — Ioulia Navalnaïa, Ilia Iachine et Vladimir Kara-Mourza, agissant ensemble — est un événement véritablement significatif. Leur initiative d’organiser une marche de l’opposition à Berlin, bien que préparée à la hâte, a été un succès.
Ce moment ne doit pas être perdu. Oui, la marche a été organisée sans efforts suffisants pour coordonner les actions avec d’autres groupes d’opposition et les diasporas en Europe. Cependant, cela n’exclut pas la possibilité d’une prochaine étape plus structurée.
Cette étape pourrait être l’organisation d’une conférence d’unification des forces anti-guerre, consacrée à l’élaboration d’une stratégie pour le changement en Russie. Il est essentiel que toutes les principales forces anti-guerre orientées vers le travail en Russie y soient représentées.
Cette conférence pourrait être initiée par des organisations civiles anti-guerre non impliquées dans les conflits ou par des représentants des diasporas russophones, ou encore directement par Ioulia Navalnaïa, Ilia Iachine et Vladimir Kara-Mourza, qui restent des figures respectées par différents groupes d’opposition.

Georgy Alburov, Ivan Zhdanov, Maria Pevchikh. Photo: FBK
Actuellement, les principales forces anti-guerre perçues comme influentes à l’étranger sont :
- Le FBK (Leonid Volkov, Maria Pevchikh, Ivan Jdanov, etc.) ;
- Le Comité anti-guerre (Mikhaïl Khodorkovski et ses membres) ;
- Maxime Katz et ses partisans.
Des sondages menés auprès des signataires de la plus grande pétition anti-guerre « Arrêtez la guerre en Ukraine », dont plus de 80 % résident toujours en Russie, montrent des résultats clairs : les gens prennent au sérieux l’opposition en exil, se tournent vers elle et attendent une véritable union, tout en percevant négativement son état actuel de division.

Le dernier sondage, mené après la Marche de solidarité à Berlin, a révélé que :
- La majorité des répondants sont insatisfaits de l’organisation actuelle de l’opposition.
- Une coalition des forces anti-guerre est perçue comme nécessaire.
- La majorité souhaite voir dans cette coalition Ioulia Navalnaïa, Ilia Iachine, Vladimir Kara-Mourza, Maxime Katz, le Comité anti-guerre ainsi que des représentants des organisations locales anti-guerre.
Le FBK, bien qu’ayant reçu un soutien légèrement inférieur à celui de Ioulia Navalnaïa, reste un acteur important. En général, les gens souhaitent voir tous ces groupes collaborer.
Nous voulons souligner que nos analyses et propositions se fondent sur les opinions réelles des citoyens anti-guerre.
La situation de la guerre et celle en Russie approchent d’un tournant. L’opposition démocratique ne peut se permettre de gaspiller ses ressources humaines et politiques. Les leaders et experts qui ignorent les attentes de leurs soutiens en Russie risquent de perdre leur crédibilité.